Enquête ouverte pour "violences volontaires" après un tir de LBD à bout portant à Paris

par Claire CAMBIER
Publié le 10 janvier 2020 à 16h57, mis à jour le 11 janvier 2020 à 7h57

Source : TF1 Info

"VIOLENCES VOLONTAIRES" - Une enquête judiciaire a été ouverte  vendredi après la diffusion d'une vidéo montrant un policier tirant à bout  portant sur des manifestants avec un LBD jeudi à Paris, la préfecture de police  justifiant aussitôt l'emploi d'armes "intermédiaires" en raison de heurts  "violents".

Une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montre une intervention musclée des forces de l'ordre lors de la manifestation contre la réforme des retraites à Paris, ce jeudi 9 janvier. La scène se déroule rue Saint Lazare à Paris, après que de violentes échauffourées ont éclaté à l'arrivée du cortège place Saint-Augustin. 

On y voit une rangée de policiers lourdement équipés repousser la foule, à l'aide de matraques et de boucliers. Le vidéaste se tient en première ligne. Les images montrent tout d'abord un fonctionnaire donner un grand coup de matraque face à lui, un autre procède à un mouvement de droite à gauche avec son bâton de défense. Puis un des agents, équipé d'un LDB, pointe son arme face à un manifestant (à la douzième seconde de la vidéo ci-dessous). Une détonation retentit et plusieurs personnes s'écroulent au sol. Au moins l'une d'entre elle reçoit une pluie de coups de matraques.

"Que penser de ce tir à bout portant ?", interroge le journaliste David Dufresne, qui répertorie les différentes violences policières supposées depuis le début du mouvement des Gilets jaunes fin 2018. La vidéo a été vue plus d'1,5 millions de fois.

Une enquête pour violences volontaires confiée à l'IGPN

Contactée par LCI, la préfecture de police indique que la vidéo est "parcellaire et sortie de son contexte". "Les policiers et gendarmes ont été pris à partie par des personnes violentes et ont riposté avec des moyens de défense intermédiaires: lacrymogène et LBD, souligne-t-on. Au cours de cette manœuvre, 16 policiers ont été blessés."

"Aucune plainte pour tir de LBD n’a à ce jour été portée à la connaissance de la préfecture de police", ajoute l'institution. Selon nos informations, le parquet de Paris a cependant ouvert une enquête pour "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique".  Cette enquête a été confiée à l'IGPN pour faire la lumière sur ces événements.

Dans un communiqué en début de soirée, la préfecture a défendu l'action des  forces de l'ordre. "Cette nouvelle doctrine, qui se traduit inévitablement par  des images de policiers et gendarmes allant au contact des manifestants pour  limiter l'usage des moyens de tir, permet d'assurer de façon plus probante  l'ordre public tout en réduisant les risques de blessures graves", a-t-elle  plaidé, en insistant sur "l'usage moindre des armes intermédiaires" (18 tirs de LBD jeudi, contre 1.092 le 1er décembre 2018, 67 le 16 novembre 2019 et 54 le 5  décembre 2019).

Un tir de LBD avéré

Que sait-on pour le moment ? Des internautes ont diffusé des ralentis de cette même séquence, visibles ici, permettant de mieux visualiser le tir. On observe bien un nuage de fumée, juste après la détonation. Ces images ont été filmées par Laurent Bigot, journaliste et maître de conférences. "Il se trouve que j'ai été cinq ans dans le corps préfectoral comme directeur de cabinet de préfet donc en charge de la police et gendarmerie et du maintien de l'ordre, a-t-il expliqué ce vendredi sur Twitter. Ce que j'ai vu hier ce n'est pas du maintien de l'ordre mais la volonté de faire mal."

Des images d'un autre journaliste présent sur place, Wladimir Garcin-Berson, du Figaro, montrent cette même scène sous un autre angle. "Il me semble avoir vu un usage de flashball quasiment à bout portant, au moment des fortes tensions légèrement en amont de Saint-Lazare", note-t-il à la fin de la manifestation. Et d'ajouter en publiant la vidéo ci-dessous, "ce serait à ce moment : tensions, on entend distinctement le son du LBD, alors que la distance entre manif/FDO est infime, puis des manifestants hurlent 'criminels !' aux forces de l'ordre, et certains accourent. Quelqu'un semble tomber."

Des "risques lésionnels" en deça de 10 mètres

Si l'usage de LBD est un des moyens choisis par les forces de l'ordre dans le cadre de leur stratégie de maintien de l'ordre, la distance à laquelle le tir a été opéré pose question. Une note d'instruction du ministère de l'Intérieur rappelle que le LBD, une "arme de force intermédiaire", "dispose d’un fort pouvoir d’arrêt jusqu’à une distance maximale de 50 mètres, avec des risques lésionnels plus importants en deçà de 10 mètres." 

"Le LBD de 40 mm n’est pas une arme létale dans le sens où il n’est ni conçu, ni destiné à tuer. Il n’en demeure pas moins une arme, dont il convient de ne pas sous-estimer la dangerosité", ajoute-t-elle. "Dans la mesure du possible, le tireur s’assure que les tiers éventuellement présents se trouvent hors d’atteinte, afin de limiter les risques de dommages collatéraux". Il est par ailleurs interdit de viser la tête. La note rappelle enfin le cadre légal : "l’emploi de la force doit être proportionné et 'n’est possible que si les circonstances le rendent absolument nécessaire'".

La victime reste pour le moment inconnue. Le vidéaste ne sait pas ce qu'elle est devenue : "c'était la confusion et les policiers ont poursuivi leur charge pour scinder le cortège en deux", détaille-t-il, il a donc ensuite poursuivi sa route.

Une vidéo, postée par Sputnik, montre l'une des personnes tombées à terre, blessée au crâne (cf. tweet ci-dessus). Il ne s'agit pas cependant de l'homme portant une capuche et qui semble touché par le tir, mais d'un homme situé à gauche de la scène, captée par Laurent Bigot. Reconnaissable à sa tenue, c'est lui qui est frappé à l'aide d'une matraque après le tir de LBD.

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